mardi 27 août 2013
Un vague souvenir (Petite histoire au coin de la télé)
Oh et puis Merde ! C'est pas si grave de mourir...!
Hier encore, une pauvre bête que ce chien happé par un de ces chauffards ambulants, seuls vrais terroristes de notre siècle de fous; qui qu'on blâme ? La voiture ou la laisse ? L'industrie ou l'esclavage ? L'assassin ou l'imbécile ?
Qu'ils y aillent tous les deux, en prison. Les chiens et les autres Rois de ce monde n'en seront que plus en paix, lorsque cette satanée bande de singes mal-évoluées auront finis de jouer les mal-dominés ! Qu'ils y aillent eux même, au Zoo ! Ahah! J'aimerai bien les y voir. Truands !
Mais ça n'est pas si grave de mourir, que je disais. Regardez-le, ou si vous êtes trop loin, comme toujours, comme tout le monde - parce que tout le monde préfère ça, prendre distance, contourner, virer du regard - imaginez-le, Jérôme, pauvre homme qui se meurt comme personne d'autre. Parce qu'il est unique, Jérôme. Comme tous les autres, d'ailleurs. Comme vous autres, au fait.
Retenez.
Mais il a le ventre plein de bonnes choses, Jérôme ! Son estomac ne digère pas grand chose, il survivait, comme beaucoup d'entre vous autres, Jérôme. Mais qu'est-ce qu'il en avait, des tripes ! Des machines de guerre ! Au premier rang qu'il se tenait, lorsqu'ils ont décidé de la foutre en l'air; l'entreprise de son père. Vingt-ans à peine et il aurait fait de l'ombre au Ché; vingt-ans à peine et il avait déjà appris à dépaver les rues et briser les murs à flics, sans un lambeau de chair; un cinquième de siècle à peine et s'en allait faire péter des bouteilles sur la tête du premier qu'il surprendrait à poivroter et à roter que "La liberté, c'est mort !", que "la vie, bah c'est comme ça, et pis voilà".
Danger public...Oui peut-être, mais alors !? Il meurt, Jérôme, il faut lui tenir la main. Une main qui n'a jamais été salie par le sang, ni d'un être-humain ni d'un non-humain. Ou alors peut-être des moustiques. Mais il n'avait pas le choix, c'était la fièvre jaune ou lui. Et il s'est senti dédouané de son crime dès qu'il a cru comprendre que du ciel, quelque part, quelque chose lui incombait de "libérer son peuple...et celui des moustiques".
Faut pas mélanger ! L'était pas Juif, Jérôme ! Il aurait bien voulu, ça lui aurait peut-être fait moins de misère, qui sait ? Il aurait aimé s'appeler David Rossenbaüm, crécher dans un diamant brut taillé à l'image de sa fierté de naissance, en plein centre de Bruxelles, Paris, Genève...Ou même Montréal. Il ne savait parler que le français, et pour lui s'était suffisant.
Mais arrêtons de tourner autour du pauvre ! Il crève, nom du chien de tout à l'heure, Jérôme !
Mais ça n'est pas si grave de mourir lorsqu'on sait plus ou moins où on va. Pour Jérôme, pouvait pas y avoir d'Enfer ou de Paradis. Que l'Enfer, et puis c'est tout. Le Paradis, c'est du tout inventé, pour te faire croire que ça peut pas exister ici-bas. Mais il y a vécu pendant 20 ans, dans le Paradis. Enfin, pas dedans...Si, de temps en temps, mais là n'est pas la question...Surtout "auprès de" ! C'était Lucie, le paradis ! Sa Lucie a lui, la Lucie de personne d'autres, même pas de sa mère ! Sa mère, elle a mit au monde une fille gentille, bien-élevée, bonne élève, bonne travailleuse. Jérôme, il a vécu avec une Lucie guitariste de Metal, une détraquée du coeur qui mettait l'alarme en marche dès qu'elle perdait de la corde; le gouffre, lorsque ça se rapproche, ça fait peur. Et elle avait vite peur Lucie, mais pas autant que Jérôme, là tout de suite.
Jérôme, il partait pour de bon.
Elle, elle restait. C'était con.
Ouais, ça a l'air con de mourir à quarante ans. Mais il savait que ça n'était ni de sa faute, à Jérôme, ni de la sienne, à Lucie. Il savait que c'était parce qu'il y avait quelque chose d'impropre dans l'air, qu'il y avait quelque chose de pas bio dans ses carottes rappées et ses tomates séchées, qu'il y avait quelque chose de pas naturel dans ses eaux/os et qu'il y avait quelque chose d'enculé dans son médecin cancérologue.
Il l'avait senti qu'il partirait jeune, lorsqu'il avait vu la dégaine à sa fille. Née aveugle, le système immunitaire en purée, l'arrière-train en pilote auto et les paluches en papier-carton. quatre doigts seulement à chaque mains, on aurait dit un rejeton d'alien. Mais il savait que ça n'était ni de sa faute à elle, à Lucie, ni de sa faute à lui, à Jérôme. Il savait que c'était à cause que la p'tite, elle avait ventilé de l'air merdique, qu'elle avait pompé de la bouffe merdique, qu'elle avait glouglouté de la flotte merdique et qu'elle s'était faite tripotée par un médecin merdique, enculé qui plus est.
Mais il était pas con, Jérôme. Et elle était pas conne non plus, Lucie : ils l'auraient aimé la gamie, ils lui aurait montré que c'était pas facile la vie et qu'elle lui faudrait développer des tripes d'acier, une musculature interne en béton à raison de matière grise bien huilée et d'un savoir-faire de famille. Il l'auraient fait, de tout leur coeur, quitte à se le leur arracher pour lui donner deux vies de plus, au cas où la première flancherait; au cas où le sodomite emblousé disait vrai, à propos de ses chances de survie. Il l'auraient fait, s'il elle n'avait pas quitté la partie au second round. Un semblant de sourire dégueulasse sur les lèvres, radioactif mais mignon quand même, un dodo, et puis bye-bye bande de dégoutants, m'en vais me refaire sur Mars!
Et puis, c'était au tour de Jérôme. Il ne voulait pas accepter le traitement. Marre de se faire avoir. Marre de pisser droit. À quoi bon continuer à vivre si c'est pour finir avec les autres, dans le potager ? Jamais de la vie ! Et moi non, plus d'ailleurs ! Je le soutiens, Jérôme. Je suis de tout coeur avec lui, Jérôme ! Hourra Jérôme ! Longue vie à toi, Jérôme, là-bas, au-delà de toute cette pourriture ! Que ta vie soit toute autre, en Enfer ! Je t'aime, Jérôme !
Mais entendez-le râler, bon sang ! Si vous ne pouvez écouter votre propre souffrance, si vous ne pouvez entendre comme je l'entend chacune de vos foutues cellules imploser de douleur dans ce dernier geste noble qu'est la mort que l'on se donne, alors écoutez aux moins le dernier chant de cet homme qui a eu les couilles, lui ! Ecoutez-le !
...
Ecoutez encore !
...
Il est parti Jérôme, il s'en est allé, Jérôme.
Il y a deux secondes, c'était encore un comme nous Jérôme, un pourri en voie de disparition. Et le voilà délivré de l'infâme. Et nous ?
Nous, nous n'avons pas encore le droit. Nous, nous n'avons pas fait la moitié de ce qu'il a fait Jérôme.
Jérôme, il a les mêmes initiales que Jésus, Jérôme !
Jérôme, il a donné sa vie pour une bande de détraqués pas foutu de se torcher le cul, Jérôme!
Jérôme, il s'est fait pété la gueule pour qu'on arrête de vous y jeter de la merde, au moins pendant quelques centième de secondes !
Il a fait ça, Jérôme !
Vous ? Vous, vous n'avez pas encore gagné votre carte d'accès. Moi non, plus. J'y travaille. Ah ah.
J'essaye. J'aurai aimé être comme lui. Comme Jérôme. Mais en plus moi que lui. Bah.
Sauvez-vous, tonnerre de Dieu !
COMMENT ?
Sauvez les autres et vous vous sauverez.
Pas moi qui l'ai pondu, celle-là.
J'ai piqué ça à un gars sympa, très sympa. Un juif qui vivait quelque part par là, sur la carte. Là où d'autres, pas Juifs et parfois Juifs aussi, vivaient, et où ils ne vivent plus tellement. Faut les sauver ceux-là aussi.
Mais lui, vraiment, c'était un gars sympa.
Très, très, sympa.
Aimez-vous les uns les autres (lui) et puis...
bordel de chiottes, soyez moins lourds (moi) !
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