Non ?
Lisez plus bas, l'article en dessous; allez! deux-trois coups de molette vers le bas,
pas de quoi se dézinguer une phalange. P'is c'est bon pour le coeur.
Seulement lorsque on l'a dans la main, hein ! Bah oui, Je voyais déjà des tricheurs, là derrière !
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Il est mort Jérôme. ça on le sait. P'is ceux qui le savaient pas, maintenant, ils savent.
Mais j'vous ai pas raconté comment qu'ça s'est fini c't'histoire-là !
Thierry - oui parce que son deuxième prénom c'était Thierry, et puis ça nous change un peu - Thierry est mort le 22 avril 2013. À peine le temps de refroidir qu'il était emballé, embigoté, enseveli et entamé par les vers, Thierry. Oh il est parti calme !
D'ailleurs à la messe, c'était lui qui faisait le moins de bruit !
Il est parti sans avoir peur de la mort. Il l'avait senti arriver, la sournoise. Il lui avait tendu la main, elle avait hésité, rechigné un brin, ils se sont entendu. Sur une partie de cartes, il lui a "désolé, mais demain, j'ai du boulot. Je me lèves tôt - No Problemo! On s'en ferra une autre, un de ces quatre".
Il n'avait peur que d'une chose, Thierry, c'était que Yolande - deuxième prénom, Lucie, change, faut suivre - c'était que Yolande se retrouvait toute seule du coup et que même de son cercueil, il pouvait les sentir, ces milliers de pattes poilues et malpropres qui venaient ça et là se poser sur les épaules de sa douce. Il le voyait, ce geste qui d'ordinaire aurait dû signifier l'accompagnement dans la tristesse; là ! Dans la maison de Dieu ! Dénaturé au plus haut point par les pensées salaces d'une assemblée de ratés sentimentaux.
Là, je sens qu'il y a de l'info qui manque. Thierry m'aurait laissé vous en toucher quelques mots, en temps normal. De l'autre côté, aussi. Soit.
Alors : elle était loin d'être vilaine, la Yolande. Du vivant de Thierry, personne ne se serait fourvoyé à l'imaginer en page centrale d'un magazine quelconque que je ne mentionnerai pas ici, pour la mémoire du défunt, mais maintenant que l'obstacle était tombé, l'imagination n'avait de limite que là où la perfidie n'avait encore pu poser sa trace. Ils avaient été beaucoup à la courtiser, Yolande. Des amis à Thierry. Des "amis", surtout.
Ah! les salauds !
Mais tous s'étaient vus écartés de la course par l'étalon sauvage :
l'inépuisable, l'indomptable, l'intrépide, l'iné...branlable Thierry !
Elle, elle y a été, puiser au plus profond de son âme, à Thierry,
cette petite touche de lumière qui l'a fait craquer, Yolande !
Elle, elle a réussi à lui dompter ses colères et ses tracas, à Thierry,
Eux ils l'ont vécu, cette foutue vie trépidante d'amoureux passionnels, lui et Yolande !
Et puis, rholala! Je vous raconte pas le reste, parce que ça, même moi, je ne suis pas censé le savoir !
Et p'is j'ai décidé que ! C'est moi qui raconte ou c'est pas moi qui ?!
En tout cas dès qu'ils s'approchaient, les vantours, c'était branle-(hah!)-bas de combat ! Pas touche, même pas un cheveux ! La sacrosainte divinité Yolande-Lucie aux milles pétales se voyait protégée par le vaillant Thierry-Jérôme aux milles épines ! Tchac !
Mais, un jour, il est tombé d'cheval, Thierry. Une mort conne, même pas sur le champ de bataille.
Et Yolande, Aaaaah Yolande! : Enlevée par son oncle, le comte Henri, vil usurpateur aux pattes usées à force de coups fourrés, le vicelard !
En vrai, c'était pas son oncle, hein ! Même chez les dégoutants, il y a une limite. Mais ça aurait pu. Le scélérat avait déjà bien dépassé la cinquantaine et d'aucun se demandait encore comment est-ce qu'une aussi joli fleur avait pu se laisser ainsi lécher par ce satané crapaud que peu appréciaient, doit-on le dire ? Un arnaqueur, un voleur, un goinfre, un goujat, tout et n'importe quoi ! Un banquier ! Diantre ! Yolande perdue dans les bras d'un banquier ! Comment ?! Pourquoi ?! Un secret qu'elle se gardera bien de divulguer. Nous aurait-elle tous trahi ? Et Thierry ?!
Thierry, il était en enfer.
Et depuis l'enfer, il voyait tout, Thierry.
Et tout le rendait malade, Thierry.
Il la voyait, sa Yolande, mi-triste mi-pathétique, mi-torturée mi-endeuillée à jamais, à laver les casseroles de ce gros lard à la méchanceté viscérale, le voir lui crier à même le visage, quitte à y fourrer sa graisse et à lui foutre sur la gueule à n'importe quelle occasion. Il l'avait toute abîmée, sa Yolande !
Il la voyait, sa Yolande, tiraillée entre le désir de se foutre en l'air et l'espoir qu'un jour, Altaïr, leur seul enfant, à Thierry et à Yolande (le second était mieux...réussi), qu'un jour il puisse porter la flamme à son pôpa et s'envoler loin, très loin...
Et il le voyait, cette charogne, enfermer son gamin à lui, Thierry, sa chair et son sang! Il le voyait grimper sur sa femme et l'obliger à...! l'obliger à... !
Un
L'indomptable ne pouvait rester plus longtemps retenu en Enfer.
Les flammes, ça n'était pas son truc; il était plutôt cactus.
Alors, il s'est barré. Comme ça.
Il avait eu le choix, avant : soit il s'en allait pour... on ne sait pas où, roupiller pour le restant de ses éternités; soit il redescendait au Paradis, foutre en l'air l'ordre établi.
Et j'y était moi, lorsqu'au supermarché d'en face - là, juste en bas de la ruelle des Martyrs- le gamin à Thierry il s'est mit à partir en sucette. Je regardais de loin, mais je le voyais bien frétiller comme un poisson déjà mort qui essayait tout de même de tenir le coup quelques instants encore; je l'ai vu tomber par terre, se relever quelques secondes après, le regard porté quelque part, par là, au-dessus de mon épaule.
Henri venait de quitter la maison, traversait les portes automatiques du magasin, pour s'en venir discuter un brin avec la petite madame qui avait pris la peine de lui signaler par téléphone les agissements anti-capitalistes de son même pas-rejeton.
Et puis Yolande qui suivait derrière, inquiète, elle qui se ruait vers son Altaïr.
Je l'agrippai au bras, parce qu'elle ne l'avait pas senti, elle :
que le regard du gamin, bah c'était pas le sien.
C'était Thierry qu'était de retour. Différent, mais tout aussi fêlé qu'avant.
ça a été vite : le gamin/Thierry qui se jette les pieds devant dans le bide à l'onc' Henri, moi qui lui balance mon couteau - généreux comme j'étais -, Thierry qui trucide Henri, Yolande qui fini le boulot au talon-aiguille, la caissière sur le cul et les clients qui auraient bien voulu aussi mais manque de pot pas assez de fauteuils et pas de pop-corn de prévu, moi qui récupère mon couteau, Yolande qui sort en courant, Thierry sur le talon qui restait, et moi...!
bah moi, je suis resté, m'occuper du macchabée du roi Henri-foutre.
Comme le patron là-haut c'était un bon gars, il leur avait tout de même offert une belle fin de vie, à Altaïr et à sa maman. Thierry est parti aussi vite qu'il était revenu. Où ça ? Quelque part dans l'univers, à piquer un somme, je suppose.
Vous allez me dire : "...Quoi?! Mais c'est tout ?! Comme ça, POUF !?"
Eh ! Oui !
Comme ça ! POUF !
Un peu de magie dans ce monde de bougre !
Et puis moi, bah moi j'ai été veiller la tombe du grand héros, mort une seconde fois pour son paradis, avec honneur et courage. Tara-tata-tsoin.
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